On devrait toujours apprécier la gravité des facéties d'Alexandre Vialatte. Le chroniqueur qui prétendait qu'il y avait, en Auvergne, plus de montées que de descentes défendait, par ailleurs, l'existence de "l'altitude morale" des sommets , autrement plus importante que celle que proclament sèchement les géographes. Les deux plaisanteries concordent . Si le puy de Dôme culmine à 1465 m pour les réalistes et à plus pour d'autres, ils possèdent deux altitudes , donc deux" montées". Au total, il y a effectivement plus de montées que de descentes. C'est au fond ce que prouve superbement le livre de poèmes et de tableaux Le plain-chant des hautes terres , cosigné par Claude Legrand et Jacques Viallebesset ( publié chez l'éditeur Le Nouvel Athanor).
Les plateaux du Cézallier sont objectivement hauts mais plus encore parce qu'ils élèvent l'âme de ceux qui les arpentent, les chantent ou les peignent et conséquemment de ceux qui lisent leurs célébrations livresques .
Cézallier, ces alliés...Les mots indiquent le bon chemin. Le peintre Claude Legrand et le poète Jacques Viallebesset sont justement ces alliés, René Char aurait dit" ces alliés substantiels". Ils voient le même réel et l'expriment avec leur palette et leur grammaire plasticienne.
Le résultat est d'une force, osons l'adjectif, " oxhygiénique". Le lecteur sent ses poumons se gonfler plus que de coutume, inspirant la rude pureté d'un air vivifiant. Ses pupilles se dilatent pour que l'espace trouve en son regard la place qui sied à sa mesure. Il y a des paysages qui nous écrasent en raison de leur imposante stature, ceux-là nous régénèrent et nous font grandir. Au lieu de nous rabaisser , ils nous invitent à des transfusions de sèves montantes, à des poussées d'" arbrénaline", à des étreintes entre le ciel et la terre.
On l'aura compris, Le plain-chant des hautes terres est tout sauf un hymne doucereux à des visions éthérées. L'ivresse des vastes paysages ne donne pas des ailes d'Icare mais assure plus sûrement la marche de l'homme, fils de la terre, comme le dit le nom Adam, de la même famille qu'adama( terre en hébreu). Et c'est ainsi que le lecteur, rebroussant le chemin de l'humanité, éprouve l'émoi de vivre au Paradis, dans une sorte d'innocence brute.
Legrand et Viallebesset sont de bons sourciers qui usent, l'un de son stylo et l'autre de son pinceau, pour révéler les courants telluriques secrets, pour démêmer l'écheveau des désirs qui font fi des frontières entre les règnes. Les images fortes du poète et les touches frémissantes du peintre président à des unions élémentaires dont nous devenons les acteurs émerveillés.
Une très belle oeuvre commune qui brille par des accords parfaits. C'est assez rare de trouver une telle harmonie.
Christian Moncelet
Le Plain-chant des hautes terres. Claude Legrand . Jacques Viallebesset
Editions Le Nouvel Athanor
ISBN : 978-2-35623-093-5
Prix: 23 E
Disponible CHEZ VOTRE LIBRAIRE, le site de l'éditeur
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